Le Serment de Strasbourg.
Lors de son discours du 9 mai 2022, le président a lancé l’idée d’une Communauté politique européenne. Une notion qui renvoie à celle que nous avions mentionnée dans notre tribune » Que faire après la défaite de Vladimir Poutine ? ».
La bataille d’Ukraine se soldera par la défaite de Vladimir Poutine. C’est écrit. On ne sait pas encore le temps que ça prendra, le nombre de vies humaines sacrifiées, la quantité de biens matériels détruits, les lames de désolation répandues, mais la défaite est inscrite dans l’engagement de cette bataille puisqu’elle n’a aucun sens, est dictée par un dictateur isolé et rassemble, Ô paradoxe, l’ensemble de ses adversaires dans une unité jusqu’alors inenvisagée. La question est donc de savoir ce qu’il convient de préparer pour reconstruire après sa chute et son départ. Deux options s’ouvrent : la première consiste à regrouper dans un même ensemble tous les pays jadis sous la domination soviétique et qui se sont sentis menacés par la volonté de restauration poutinienne. Dès à présent, on constate plusieurs demandes d’entrée à l’OTAN, sur le plan militaire, et dans l’Union Européenne, sur le plan politique. On voit bien l’intérêt de solidifier cet ensemble qui viendrait border les frontières russes et marquer solennellement qu’il est désormais hors de question de franchir de nouveau la frontière. Les enjeux sont énormes, les impacts, tant sur l’OTAN que sur l’UE, considérables, mais le chemin existe. La seconde option consiste à renouveler l’Appel du 9 mai 1950 de Robert Schuman à l’Allemagne vaincue. Autrement dit, à proposer aux successeurs de Poutine de créer une confédération Euro-Asiatique, permettant d’intégrer tous les pays de l’Europe de l’Ouest, de l’ancienne sphère russe et la Russie dans un ensemble qui mettrait en commun quelques sujets majeurs comme l’énergie. Pourquoi une confédération ? Parce qu’il convient de proposer un cadre souple, pas trop contraignant, mais suffisamment fort et précis pour éviter des ressentiments de défaite et donc une nouvelle volonté meurtrière de revanche ; parce qu’il serait prématuré d’ouvrir une Union Européenne qui n’est pas prête à tel élargissement, tant en raison des écarts de richesse par habitant qu’en raison des modes d’organisation et de prise de décision qui commencent juste à se stabiliser. En juin 1991, François Mitterrand avait lancé à Prague l’idée de créer une telle confédération. Le projet, qui avait surpris tout le monde, n’aboutit pas. Peut-être est-il temps de le ressortir, bien entendu, en l’actualisant.
La question de savoir si la Russie est d’Europe traverse les siècles et n’a jamais été résolue. De Gaulle parlait de « L’Europe, de l’atlantique à l’Oural », Gorbatchev évoquait le « maison commune ». Sans doute la Russie n’est-elle pas d’Europe, de même que les Etats-Unis ne sont pas d’Europe. Mais les liens entre l’Europe et la Russie sont historiques, multiples, continus. En cette période de la mondialisation, tout conduit à renforcer les liens entre ces deux ensembles dont les points communs surpassent les sujets de divergence, quand on examine les grands dossiers de la transition écologique, de l’approvisionnement énergétique, de la sécurité, des migrations, sans compter la culture. Le poumon est de l’Europe ne pourrait qu’apporter cette force spirituelle que les grands théologiens orthodoxes ont maintes fois appelé de leurs vœux, au premier rang desquels Olivier Clément. Encore faut-il que la Russie accepte enfin de jouer la carte démocratique, le respect des droits de l’homme et de la femme, la liberté de la presse, les libres élections, l’équilibre des pouvoirs et le renouvellement des dirigeants. Tendre la main aux successeurs de V Poutine, c’est favoriser cette entrée de la Russie dans la vie démocratique, c’est parier, comme l’ont fait en leur temps Robert Schuman et Konrad Adenauer, sur la capacité des ennemis à se transformer en amis. Puisse cette effrayante guerre accoucher d’une véritable réconciliation !
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