L’Europe dans le monde. Pour une communauté fédérale
Par Patrice Obert
L’Europe dans le monde – Pour une Communauté Fédérale Européenne
La crise sanitaire interpelle vivement l’Europe (au sens de l’Union européenne). Alors que ses compétences en matière sanitaire sont minimes, on se tourne vers elle, on attend d’elle des solutions, on s’insurge contre ses lenteurs, on râle contre son manque d’ambition. « On » est ici le « commun des européens », qui ne connaît rien à la distinction entre compétences européennes et compétences nationales, qui s’en prend à l’Europe dès que quelque chose ne va pas et qui ignore les soutiens financiers apportés par l’Europe aux projets qu’il voit fleurir dans sa région.
Au-delà de la crise sanitaire, l’Europe est directement concernée par la crise financière massive qui se développe. Elle remet d’ailleurs brutalement en cause tous ses dogmes. Elle n’a qu’un pas de plus à faire pour entrer dans la crise climatique et entraîner derrière elles tous les Etats dans la grande transition, le fameux Green Deal.
En suspens, se tient l’alternative face à laquelle est confrontée la construction européenne. Une première attitude consiste à acter le fait que nous avons passé notre tour. La volonté de maîtrise exprimée durant quatre siècles par l’Europe se fracasse sur l’impasse majeure du dérèglement climatique. Il est temps de clore la parenthèse de la modernité occidentale. Une seconde attitude prétend que nous avons encore quelque chose à apporter au monde. Cette pierre précieuse existe, elle se nomme LA PERSONNE HUMAINE. Elle vient de nos héritages multiples et contradictoires. Elle a donné corps à un modèle européen de société qui s’est mis en place après 1945.
Or, cette Personne est aujourd’hui menacée. On le voit dans la triple crise que nous affrontons, sanitaire, économique et, en surplomb, climatique. En 2019, durant la campagne électorale pour les élections européennes, les Poissons Roses ont rédigé une contribution intitulée «Pour une Renaissance de l’Europe ». Pour nous, L’Union européenne n’avait et n’aura les forces pour se réveiller que si elle est capable de Refaire Renaissance, selon l’exhortation que lui lançait déjà en 1932 le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier. Refaire Renaissance, c’est refuser l’individu-roi pour accueillir la Personne reliée : reliée aux autres en inventant la fraternité et en favorisant les structures qui créent et incarnent la solidarité (famille, entreprises, associations, corps intermédiaires…), reliée à la Nature en apprenant l’écologie, reliée à une transcendance qui reconnait l’essence spirituelle de l’humain et la dimension inaltérable de notre intériorité, cette anima dont parle si justement François Chen. (cf l’émission La grande librairie du mercredi 15 avril dernier).
Pour mettre en œuvre concrètement ce réveil, nous devons avoir en tête les nombreuses fractures de l’opinion publique, entre nord et sud, entre est et ouest et dessiner une cible institutionnelle qui soit un horizon à partager la Communauté fédérale européenne.
Comme le rappelle très justement Dominique Strauss-Kahn dans un article à paraître au printemps dans la Revue Politique Internationale, la crise permet que la « véritable nature de l’Union ressurgisse ; celle d’un refus d’abandonner des valeurs collectives et un modèle de société qui définissent une identité. C’est cette identité qui s’est fondue dans la mondialisation, c’est elle qui peut renaître de sa fragmentation ».
Nous devons œuvrer pour faire surgir cette Communauté fédérale européenne, seule capable de porter notre identité fondée sur le respect intransigeant de la Personne humaine.
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