Bioéthique : les évêques de France vent debout contre la révision des lois
Nous relayons la position des évêques de France parue dans le journal Le Monde du 27 juillet 2020 par Virginie Larousse
Réviser les lois de bioéthique est un acte grave, alerte l’épiscopat français, qui met en garde contre « l’effet dévastateur » d’un projet portant atteinte à la « dignité humaine ».
Avant la deuxième lecture du projet de révision des lois de bioéthique devant l’Assemblée nationale, à partir de ce lundi, la Conférence des évêques de France (CEF) a souhaité redire avec force ses « questions, inquiétudes et craintes » face à un texte jugé « injuste et inégalitaire ».
Au cours d’une conférence de presse conduite par Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de bioéthique de la CEF, et dans une tribune intitulée « La bioéthique du monde d’après », l’Eglise de France a ainsi appelé à « élaborer une autre bioéthique que celle de l’actuel projet de loi ».
« Aujourd’hui, notre modèle de bioéthique est susceptible de s’écrouler, comme le feu qui a tant abîmé la cathédrale de Nantes », a déploré Mgr d’Ornellas le 20 juillet, deux jours après l’incendie de l’édifice. Dans le viseur, en particulier, la possibilité d’étendre l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Outre le fait qu’elle risque d’induire un « eugénisme libéral », a affirmé l’archevêque, cette loi « prive délibérément un enfant d’un père » – un « acte antirépublicain ». Et de s’alarmer de voir se profiler à l’horizon une évolution vers la gestation pour autrui, assimilée à un « esclavage des femmes ».
« Qu’est-ce que le progrès ? »
A l’origine de ce que l’homme d’Eglise perçoit comme des « dérives », la « séduction » et la « fascination des techniques [marché des tests génétiques, expérimentations sur des embryons chimères, sélection accrue des enfants à naître] » qui inciteraient scientifiques et politiques à vouloir « pousser toujours plus loin le curseur », en taxant ceux qui refusent de telles évolutions de « réactionnaires ».Lire aussi L’épiscopat encourage les catholiques à protester contre le projet de loi sur la bioéthique
Rappelant que l’Eglise est attentive à encourager la recherche scientifique – la foi en Dieu engageant « davantage que quiconque les croyants à étudier la création de manière scientifique » –, Mgr d’Ornellas s’est inscrit en faux contre le « catalogage stupide et stérile » et les « amalgames méprisants » qui conduisent certains à mettre des étiquettes de « progressistes » aux uns ou de « conservateurs » aux autres. Car, au fond, « qu’est-ce que le progrès ? », ont questionné les membres du groupe bioéthique de la CEF, avant de rappeler que « le corps humain n’est pas un matériau manipulable selon tout désir ».
Appel à la « fraternité »
Si le dialogue entre foi et raison, entre croyants et chercheurs, est fondamental, « il serait dommage que sous un prétexte d’une fausse laïcité, les représentants des religions n’entrent pas dans ce dialogue », a prévenu l’archevêque de Rennes, qui appelle à la « résistance » face à ce « bouleversement anthropologique radical ». Regrettant une forme de résignation, il a enjoint aux catholiques de faire entendre leur désaccord sur ce que l’épiscopat voit comme une atteinte à la « dignité humaine ».
« Sans une conscience renouvelée de l’éthique, ont averti les évêques de France, le plus fragile sera soumis à la loi du plus fort, et le progrès escompté deviendra régression. » Pour y faire face, les signataires ont invité à réexaminer le projet de loi de bioéthique à l’aune de la « fraternité » – terme qui apparaît comme le fil rouge du discours de Mgr d’Ornellas. Par la fraternité, chacun peut avoir de la considération pour la dignité de tout être humain, « de l’embryon à la personne âgée dépendante », a affirmé l’archevêque.
« Il est juste et responsable de se priver de certaines libertés individuelles au profit de la fraternité », a estimé l’homme d’Eglise, en appelant à dessiner un « nouveau chemin de vie » respectueux des enjeux écologiques, dont le devenir de l’être humain fait pleinement partie.
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