Qui ne s’est jamais étonné de découvrir sur les étals de son marché des fraises en plein hiver ? Ou de recevoir un livre commandé à Amazon au même prix que le bouquin qu’il aurait pu se procurer chez son libraire ? Ou de constater que la tonne de charbon importée de Pologne soit moins chère que celle extraite de nos mines ? Quel est le lien entre ces trois informations ? Le coût du transport entre deux territoires. Dans un livre récent, Henri Rouillé d’Orfeuil,(« Transition agricole et alimentaire, », sous-titre La revanche des territoires, Editions Charles Léopold Mayer, 2018) spécialiste des systèmes agricoles et alimentaires, fait remonter au Moyen-Âge le début de la confrontation entre une économie mondialisée et des économies territorialisées. Celle-ci s’est soldée, aujourd’hui, par la victoire de la première sur les secondes. Ce qui est valable pour les questions alimentaires vaut pour l’ensemble du système économique. L’abolition des distances est un des vecteurs de cette victoire et du retrait des territoires. Retrait et non disparition, car ils restent bien présents, espaces de la vie humaine, réserves de ressources naturelles, lieux de construction des paysages et d’expression des cultures. Tandis que l’abolition des distances s’est réalisée par la minoration du coût des transports. Que ce soit les transports maritimes, aériens, ferrés ou routiers. Avec, toujours, les deux mêmes mécanismes en cause, le non prise en compte du coût écologique des transports et la minoration des salaires des employés des secteurs concernés.C’est au prisme de cette réalité si prégnante, bien qu’ignorée, que la politique des transports du Gouvernement doit être lue et que l’enjeu de la future loi d’orientation des mobilités, présentée le 26 novembre dernier par Elisabeth Borne, Ministre des Transports, doit être apprécié. Ce qui ne peut se faire que dans une juste évaluation et optimisation de la politique des mobilités organisée au sein de l’Union Européenne. Une politique qui peut se résumer en une phrase : le transport doit être payé à son juste prix. Cela passe par la prise en compte de la situation des salariés des secteurs des transports, qui doivent être protégés, au même titre que les salariés des autres secteurs d’activité : reconnaissance des droits, application homogène des règles au sein de l’UE, notamment en cas de détachement, renforcement et fiabilisation des contrôles par la dématérialisation des procédures. Cela passe également par le paiement effectif et au bon niveau du prix du carbone, c’est-à-dire la prise en compte de l’ensemble des coûts écologiques dans notre appréhension des différents modes de transports, de l’amont, au moment de la construction des infrastructures, jusqu’à l’aval, l’amortissement et l’exploitation. Selon deux principes simples à décliner secteur par secteur : « pollueur-payeur » et « utilisateur –payeur ». Agir ainsi, c’est ouvrir le champ des mobilités pour réinvestir la vie des territoires en s’appuyant sur les opportunités nouvelles offertes par les révolutions technologiques du digital, c’est donner leur juste place au ferré, au maritime, aux bus, à la voiture propre, aux véhicules autonomes, aux mobilités douces. Rendre à la distance parcourue sa juste place dans le bilan économico-socio-écologique d’une décision, c’est réguler de façon concrète la mondialisation. C’est en responsabilisant l’économie mondialisée sur les aspects fiscaux, sociaux et environnementaux et en redonnant toute leur place aux territoires dans une proximité dynamique et reliante, que nous réussirons à réconcilier le rat des villes et le rat des champs. C’est le chemin difficile que le Gouvernement aiguillonné par les Gilets jaunes, va tenter de négocier. Les Poissons Roses ne peuvent que le soutenir dans cette démarche difficile. |
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