Retour sur la manifestation du 6 octobre

Témoignage sur la manifestation du 6 octobre

par Patrice Obert

Les Poissons roses, réunis en Conseil d’administration, avait validé le principe de participer à la manifestation organisée par le collectif d’associations Marchons enfants. Ils avaient diffusé cette position dans un communiqué repris par le flash N°45 envoyé à tous nos sympathisants.

Nous nous sommes, le jour J, retrouvés devant la Sorbonne. Nous étions un petit nombre, noyés dans la masse des militants appelés par les autres organisations. C’est là que le CoRP, le Collectif pour le Respect des Personnes, a proposé à ses adhérents de nous rejoindre ; la veille, à l’initiative du député Jean-Louis Touraine, un amendement autorisant la GPA avait été voté, contre l’avis du gouvernement, ce qui a conduit le CoRP à participer lui-aussi à la manifestation.

Nous étions conscients de nous situer sur une ligne de crête inconfortable. Comment un groupe se réclamant de la gauche pouvait-il se joindre à un collectif largement dominé par des manifestants de droite ?  Cette difficulté, je l’ai ressentie dès notre appel.  Les uns me disaient « vous êtes courageux, bravo », les autres « C’est honteux de marcher avec ces saligauds » (désolé, ce sont les mots qui donnaient l’ambiance). Dans les trois minutes qui m’étaient imparties pour mon intervention orale en début de cortège, j’ai positionné notre démarche comme celle de la vraie gauche, la gauche humaniste, soucieuse du plus faible. J’ai défendu, devant une foule attentive et surprise, les trois arguments que nous avions préparés avec attention : refus de la marchandisation du corps humain, qui découlerait inéluctablement du manque de gamètes ; refus d’un nouvel esclavagisme qui résulterait de la reconnaissance de la GPA qui viendrait implacablement en raison d’une conception trompeuse de l’égalité ; défense d’une écologie intégrale qui refusait les modifications génétiques sur les plantes et les animaux tout autant que sur les humains. Rejoignant les manifestants, j’eus droit à des félicitations de gens qui, visiblement, n’étaient à pas « de gauche » mais qui saluaient notre position.

 Philippe de Roux, qui intervenait en fin de manifestation défendrait quelques heures plus tard une position elle-aussi décalée en mettant l’accent sur l’exemplarité et la cohérence que nous attendons des législateurs. La presse, assez largement, a salué notre présence, parfois avec ironie, souvent  en nous mentionnant pour ce que nous sommes, des chrétiens, à gauche.

Répondant, après la manifestation, au blog agauche.org, j’ai martelé notre conviction (on trouvera le texte de cette interview sur notre site/rubrique Actualité). Nous sommes contre l’extension de la PMA pour des raisons de gauche. Quant à ceux et celles de gauche qui ne sont pas vraiment « pour », qui doutent et hésitent, je leur dis sans hésitation qu’ils abandonnent ce terrain aux forces de droite et d’extrême-droite. On nous reproche aussi de surjouer cette question, sur le refrain « il y a bien d’autres sujets, bien plus importants, qui intéressent la vie des gens ». Nous le savons bien, nous qui avons lancé une enquête sur les Invisibles (à paraître au Cerf au printemps) et qui nous soucions de la compatibilité entre la démocratie et l’écologie. Mais faut-il pour autant abandonner ce terrain au courant mainstream porté par la vague ultime du capitalisme ? Dans la manipulation du Vivant se joue  un combat symbolique essentiel. Certes, le monde ne va pas arrêter de tourner. Certes, la philosophie utilitariste qui domine nos sociétés   va continuer à prospérer. Faut-il pour autant tout laisser passer ? Nous avons choisi, avec notre manifeste paru en 2016, d’être « A contre courant ».  En cela, nous nous sentons en fidélité avec le message du pape François. Sans doute, la loi sera-t-elle votée… Et alors, nous n’aurons pas baissé la garde et nous témoignerons pour le futur contre cette mainmise de la technique sur nos vies. Sommes-nous pour autant insensibles à la souffrance de nombre de nos concitoyens ? Nullement. Mais la légitimation par la loi, qu’ils revendiquent avec force, fait sauter une digue. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes prononcés dans notre rapport sur « La famille durable au-delà des fascinations biotechniques » (disponible sur notre site) pour le maintien de statu quo législatif en renvoyant chacun à sa conscience. Raison aussi qui nous conduit à souhaiter de la part des chrétiens davantage d’attention envers chacun. Dans le « Aime ton prochain comme toi-même », nous avons trop souvent oublié le « toi-même ». Dans notre époque stressée, hyper informée, performante et impitoyable pour celui qui patine, le soin à accorder à chacun doit prendre une toute autre dimension. Comme le Christ, nous devons avant tout aller vers les autres et les guérir, corps et âme. C’est à cette condition que nous serons audibles et de vrais témoins.

Leave a Comment