Comment concilier Ecologie et Démocratie ?
Les Poissons Roses, plateforme de réflexion de chrétiens, à gauche, ont décidé de contribuer à la vie sociale par des contributions, dans l’esprit de leur manifeste A CONTRE COURANT publié en 2016[1].
Dans cet esprit, ils ont lancé un premier groupe de travail qui a débouché sur la publication du rapport sur LA FAMILLE DURABLE, AU-DELA DES FASCINATIONS BIOTECHNIQUES. Cette publication a pris place dans le cadre des réflexions liées à la révision des lois bioéthiques.
Un deuxième groupe de travail a permis de mener une ENQUÊTE SUR LES INVISIBLES DE LA RÉPUBLIQUE, qui paraîtra à la fin de second trimestre 2020 aux éditions du Cerf.
Les Poissons Roses lancent aujourd’hui un troisième groupe de travail sur Ecologie et Démocratie.
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Chaque groupe de travail est constitué d’un groupe de membres de notre association. Nous procédons par audition de personnalités les plus diverses, en appliquant le principe de Chattam House. Nous rédigeons ensuite le rapport qui nous engage.
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L’objectif de la transition écologique est clair : faire de la France un pays neutre en carbone en 2050 et stopper l’effondrement de la diversité. Il faut concilier trois équations.
Tout d’abord, chacun des dossiers est en soi complexe et souvent multifacette. Chaque dossier percute des situations installées et déclenche des réactions corporatistes, avec le risque qu’une intervention en un sens ait des conséquences négatives sur un autre aspect tout aussi écologique du problème. Avancer réellement suppose donc des compromis qui sont souvent jugés comme autant de renoncements.
Ensuite, il faut concilier le court terme, car l’opinion publique attend des mesures immédiates et les médias réclament des impacts visibles, et le long terme, car chacun des dossiers nécessite une action forte dans la durée, que ce soit en matière de production, de transport, de gaspillage ou recyclage, de logement ou d’aménagement territorial.
Enfin, les enjeux écologiques appellent des solutions nationales et internationales. Enoncer cette évidence, c’est prendre acte du tumulte de la coopération internationale. Ce travail exigeant avance difficilement à travers la réunion des COP, où l’on voit s’affronter différentes zones géographiques qui recoupent des différences de richesse.
Ces trois équations créent les conditions d’une situation complexe et systémique, renforcée par l’immobilisme des tenant de l’ordre, nombreux et partout présents.
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La situation est compliquée par trois facteurs :
Le premier tient au fait que la transition écologique doit engager nos sociétés pour plusieurs dizaines d’années. C’est un engagement de long terme qui implique une action constante dans le temps.
Le deuxième tient à l’urgence de sa mise en œuvre. Les rapports publiés dans le cadre de l’ONU, et notamment ceux du GIEC sur le climat et ceux sur la disparition de la biodiversité, soulignent la lenteur des mesures prises et l’aggravation de la situation. Tout concourt à exiger une action forte et rapide.
Le troisième est lié à l’obligation d’entrainer l’ensemble de la société. Il s’agit bien sûr que les pouvoirs publics avancent fermement, ce qui signifie que l’ensemble des ministères marchent selon la même ligne et entraînent les collectivités territoriales ; les milieux d’affaires doivent basculer dans ce mouvement afin d’y apporter les centaines de milliards d’euros nécessaires ; chaque citoyen est indispensable, faisant de la prise de conscience individuelle mais aussi collective un élément d’entrainement, voire de pression, indispensable ; enfin toutes les générations doivent entrer dans la danse sous l’impulsion des plus jeunes dont la voix se fait maintenant entendre avec une radicalité nouvelle qui bouscule les plus anciens et exige des mesures fortes et décisives.
Nous avons tous conscience, plus ou moins clairement, que nous ne sortirons vivants de cette crise majeure qu’en changeant drastiquement nos modes de vie.
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Qui dit « urgence climatique » sous-entend implicitement « état d’urgence ». On en voit les dangers. Certains sont tentés par une planification autoritaire, d’autres regardent avec attention l’efficacité de mesures brutales prises en Chine. Face aux corporatismes, il peut être tentant de passer en force. D’autant que la voix démocratique réserve des surprises. La taxe carbone n’avait-elle pas été adoptée à l’unanimité ? Cela signifie-t-il que toute « écologie punitive » est désormais impossible ? Chacun a aussi en tête le bilan dressé fin 2018 par Dennis Meadows, co-rédacteur en 1972 du rapport sur « Les limites de la croissance », qui constatait que « La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental ». En France, le président de la République a fait le choix de réunir une Convention citoyenne. L’objet interroge. Cette innovation se veut le pari de la démocratie participative contre le populisme, le risque assumé d’une certaine délibération permanente contre l’impuissance de l’immobilisme.
Les Poissons Roses souhaitent explorer cette problématique. Serons-nous collectivement capables de réaliser la transition écologique sans mettre à bas la démocratie ? Saurons-nous inventer un cadre démocratique nouveau ? Serons-nous capables de nous extraire de la croissance infinie et imaginer un changement radical de nos modèles, ce qui emporte sans doute de véritables conversions ? Serons-nous à la hauteur des enjeux en faisant de l’urgence climatique l’occasion d’une « vie meilleure » ?
Chrétiens,
nous sommes portés par l’espérance. Nous nous situons résolument dans le
sillage de l’encyclique Laudato Si du pape François. Mais la question
interpelle tout homme, toute femme. C’est cette interrogation que nous
souhaitons poser à nos interlocuteurs en faisant le pari que leurs
contributions nous aideront à dessiner et à proposer une démarche démocratique
pour sauver l’humanité.
[1] Aux éditions du Cerf
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