Contribution des Poissons Roses au Collectif #LeJourd’Après

Thème 7 : Une démocratie plus ouverte : comment partager le pouvoir ?

Publié le 12  avril  2020

Notre société est malade et sa cohésion sociale s’effrite depuis plusieurs années. Il ne manque pas d’analyses sur le sujet et chacun d’expliquer les fractures entre ceux qui habitent les métropoles, les banlieues ou les territoires ruraux, les « invisibles » dans notre société, les premiers de cordée ou de corvées, et de disserter sur le pourquoi et le comment. La crise sanitaire actuelle ne met pas fin à cette situation. Nous portons collectivement le poids de notre histoire partagée, les erreurs que nos anciens ont sans doute faites en ratant l’intégration des jeunes issus de l’immigration, en reléguant des territoires dans des zones de second intérêt, en restreignant humainement ou matériellement les moyens des services publics, en négligeant notre environnement. L’essentiel est de reconstruire une société plus juste et plus solidaire autour de la devise républicaine, de donner de la fierté d’être français et d’encourager chacun à s’engager en tant que citoyen. Revivifier la démocratie autour de projets communs en est un des aspects les plus essentiels.

Les Poissons Roses proposent plusieurs réformes, dans l’esprit de leur Manifeste A CONTRE COURANT, paru en 2016 aux éditions du Cerf. Nous soulignons leur cohérence d’ensemble.

A- Adapter le processus démocratique. Se faire élire tous les cinq (ou six) ans et revenir devant les électeurs n’est plus adapté au rythme de nos vies quotidiennes, ni aux aspirations des citoyens. Cinq étapes doivent scander un processus destiné à concerner les habitants, de telle sorte qu’ils s’approprient les décisions. Ces cinq étapes, mentionnées dans l’ouvrage précité, sont :

  1. La délibération, qui ouvre le processus, manifeste la volonté des élus et donne la direction proposée et le sens de la mesure envisagée.
  2. L’élaboration, qui traduit un travail de co-production et permet l’information des citoyens, leur formation et la prise en compte de leurs compétences et de leurs avis.
  3. La décision, qui relève des élus.
  4. L’implication, qui vise à la bonne mise en œuvre de la décision par l’association des citoyens.
  5. Le compte-rendu, qui assure un retour d’information et permet le contrôle.

L’ensemble de ce processus[1] peut intégrer des dispositions nouvelles comme celles qui s’expérimentent déjà comme les consultations ou débats par la voie numérique ou par la réunion de conventions de citoyens dans des domaines précis mais aussi d’autres moyens trop souvent encore inusités comme le référendum d’initiative populaire, la mise en place de budgets participatifs, l’appel à l’initiative citoyenne….. Ceci est possible pour de petites communes comme de grandes collectivités, selon des modalités adaptées, bien entendu. L’objectif est susciter le goût des projets communs. Les exemples alsaciens et parisiens en attestent.

Il est évident toutefois que ces développements destinés à mieux tenir compte des aspirations des citoyens et répondre à l’intérêt général doivent, en premier lieu, participer à la revitalisation de la démocratie élective et représentative. Nous soumettons en ce sens quatre propositions.

  1. Dans le contexte actuel de l’état d’urgence sanitaire  il nous paraît primordial de veiller, pour le jour d’après, au rétablissement dans leur intégralité des libertés publiques qui ont été suspendues en raison des circonstances exceptionnelles. Il conviendrait d’éviter, comme en 2015, que des mesures attentatoires aux libertés individuelles, si elles sont prolongées, n’intègrent pas le droit commun. L’attention est attirée sur les mesures de traçabilité et géolocalisation qui peuvent aboutir à un quadrillage exhaustif, voire une discrimination, de la population alors qu’il conviendrait plutôt de renforcer la démocratie, l’engagement citoyen et les services publics.

Proposition 1

Rétablir les libertés publiques et les garanties constitutionnelles accordées à chaque citoyen dans leur intégralité au fur et à mesure de la sortie du confinement.

  • Nous préconisons d’œuvrer pour que les projets de loi pour un renouveau de la vie démocratique (2) soient rapidement examinés au Parlement compte tenu des nombreuses mesures qu’elles contiennent notamment pour faciliter la participation citoyenne. Nous proposons cependant de faire modifier les dispositions de ces projets qui  restreignent les compétences, les débats au sein des assemblées parlementaires, la participation à l’élaboration des lois et les contrôles du Parlement : afin de garantir un meilleur respect de l’équilibre des pouvoirs des dispositions pourraient être prises pour limiter une réduction trop importante du nombre des députés, pour ne pas étendre l’habilitation à légiférer par ordonnance, pour prévoir en revanche une augmentation du nombre de députés élus au scrutin proportionnel trop faible (15 % actuellement) afin de permettre l’expression satisfaisante d’une partie importante de la population dont les manifestations sont alors renvoyées dans la rue ou sur les réseaux sociaux etc…

Proposition 2

Œuvrer pour faire inscrire à l’ordre du jour des assemblées parlementaires l’examen de l’ensemble des lois constitutionnelle, organiques et ordinaires pour un renouveau de la vie démocratique en modifiant ce qui restreint l’intervention du pouvoir législatif et  en  rehaussant celui-ci.

  • Nous recommandons, en outre, le référendum d’initiative citoyenne pour des dossiers locaux (communaux, départementaux ou régionaux) au moins dans les domaines les plus sensibles de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ainsi que – la crise sanitaire le démontre abondamment – de la sécurité sanitaire. Nous mesurons trop les limites et les instrumentalisations des référendums nationaux. Soit ils tournent en plébiscites, soit il n’est pas répondu  à la question posée, soit encore ils laissent la voie ouverte à des manipulations s’ils ne débouchent sur une saisine du Parlement et l’examen par les assemblées parlementaires, seules instances élues.

2 – https://www.vie-publique.fr/loi/273301-reforme-constitutionnelle-2019-pour-un-renouveau-de-la-vie-democratique  –

https://www.legifrance.gouv.fr/

Proposition 3

Instituer un referendum d’initiative citoyenne pour les dossiers et projets locaux ou territoriaux communaux, départementaux ou régionaux 

  • La crise des Gilets Jaunes a fait apparaître la liquidité de la société et l’obsolescence des outils traditionnels de la démocratie représentative. Le recours au réseaux sociaux être intégré par les partis et les forces politiques sauf pour eux à perdre  appui dans les territoires par incapacité à représenter les Invisibles de notre société.

II – Renouveler les acteurs. Deux axes majeurs s’imposent : associer au processus l’ensemble des acteurs et traiter enfin le statut de l’élu.

Le processus doit faire appel à tous les acteurs : aux habitants (en veillant à ce ne pas reconstituer une caste de « bien-informés »), aux élus et à leurs collaborateurs, enfin aux partenaires associatifs, institutionnels et socio-économique. Cette troisième catégorie fait référence aux corps intermédiaires. Notre pays souffre d’une monopolisation par les notables des corps intermédiaires. Dans une démocratie active, ces corps sont essentiels. Ils doivent se soucier de l’intérêt général, être désignés et renouvelés de façon transparente, rendre des comptes. Il est vain de prétendre revitaliser le processus démocratique sans modifier les corps intermédiaires et la prise en compte de leurs avis.

Les dispositions sur le référendum d’initiative citoyenne ainsi que l’institution du Conseil de la participation citoyenne (qui se substitue au Conseil économique, social et environnemental) répondent à la plupart de ces préoccupations.

Mais Le statut de l’élu reste néanmoins un dossier-clé. Pour les Poissons Roses, être élu est une mission essentielle qui doit être exercée pour un temps limité. Ce n’est pas une profession. Cela induit de nombreuses conséquences :

  • Chacun doit pouvoir être élu (actuellement moins de 6% des députés sont issus des catégories sociales « ouvriers et employés » quand ces deux catégories représentent la moitié de la population active française). Ceci suppose une formation adéquate pour les postulants.
  • Il doit être interdit de cumuler plusieurs mandats.
  • Il convient de limiter à deux le nombre de mandats identiques successifs.
  • L’élu doit avoir un parcours professionnel sécurisé, sans avantage particulier pour les membres de la fonction publique.
  • L’élu doit être rémunéré de façon convenable. Ne soyons pas populistes. Ayons des élus bien payés et moins nombreux.

La limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales est prévue dans les projets de lois organiques pour un renouveau démocratique. Mais l’ensemble du statut de l’élu devrait être redéfini.

Proposition 4

Redéfinir le statut de l’élu dans toutes ses dispositions : exercice du mandat, formation, sécurisation du parcours professionnel, rémunération.


[1] Pierre Rosanvallon identifie pour sa part une démocratie d’Autorisation, une démocratie d’Exercice et une démocratie d’Efficacité

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