Enregistrement de la table-ronde du 25 avril 2024 sur  » L’Europe demain au regard de ses sources et ressources spirituelles ».

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A l’initiative des six associations suivantes : Démocratie & Spiritualité, la Fraternité
d’Abraham, le Pacte civique, les Poissons Roses, La Vie Nouvelle et Sauvons
L’Europe, a été organisée à Strasbourg  le 25 avril dernier une table-ronde sur le
thème  » L’Europe demain au regard de ses sources et ressources spirituelles » avec,
pour Grand Témoin, Fabienne Keller, ancienne maire de Strasbourg, ancienne
sénatrice, eurodéputée, et pour intervenants les philosophes  Philippe Gaudin et
Gérard Haddad, ainsi que Patrick Dancourt, responsable strasbourgeois du Pacte
Civique, et Daniel Lenoir, président de D&S, avec une animation de Patrice Obert.
Cette table-ronde  a été suivie par un public attentif, réparti dans l’hémicycle du
Conseil régional Grand Est  et dans un webinare.
Dans une première partie, nous nous sommes interrogés sur les sources spirituelles
constitutives de l’Europe, en questionnant la notion de « source », en comparaison de
celle de « racine », et en resituant les liens de la spiritualité avec les arts, la religion et
la philosophie. Après l’évocation des sources grecques et romaines et de la période
particulière de la « Chrétienté », Philippe Gaudin nous a fait réaliser que la notion
d’Europe naît au 18ème siècle, au moment de la sortie du monolithisme de la
Chrétienté et quand l’Europe sort d’elle-même pour conquérir le monde. L’Europe a
fait par ailleurs l’expérience de l’hyper violence des guerres de religion et a accouché
d’un citoyen universel. Si nous avons été collectivement rattachés à une identité
religieuse, nous en sommes sortis mais en « provenons ». L’Europe serait donc « le fait
de quitter ». Gérard Haddad a de son côté insisté sur deux dimensions essentielles de
l’identité européenne, qui tiennent à l’héritage grec et au message abrahamique, et
dans lesquelles tant le judaïsme que l’islam se retrouvent, permettant de dessiner
une Europe gréco-abrahamique.
Grand Témoin, Fabienne Keller a évoqué la figure de Robert Schuman, natif de
Moselle, et souligné combien règne au parlement européen « l’esprit communautaire
de responsabilité ». Si la spiritualité est là, a-t-elle estimé, elle l’est sans doute sous
des formes différentes de jadis. Daniel Lenoir a rappelé les trois ordres chers à
Pascal, l’ordre du corps, celui de la raison et celui, spirituel, de l’âme ainsi que les
vocables désignant dieu, le Zeus grec, le God anglo-saxon et le Bog slave. Il a insisté
sur l’héritage humaniste. Tandis que Patrick Dancourt, après avoir rappelé les
valeurs au cœur du Pacte civique, créativité, sobriété, justice et fraternité, a évoqué
la violence qui a traversé notre continent avec les guerres de religions et les deux
guerres mondiales. Il a conclu en se demandant si la laïcité ne serait pas une sorte
de « sagesse ».
La seconde partie de la table-ronde a été introduite par le rappel par Patrice Obert
des défis auxquels notre société est confrontée : ceux en rapport avec la personne
humaine, sa dignité, son respect, ceux en rapport avec le politique, tant dans notre

pays qu’à l’échelle de la planète, avec la remise en cause de la démocratie, ceux liés
à la crise écologique, à notre rapport au cosmos et à la nature, ceux liés à la diffusion
de croyances et de représentations, qui remettent en cause une certaine idée de la
rationalité, sous l’influence de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux et à
l’instrumentalisation des religions, ceux, enfin, liés aux grands défis globaux qui
menacent l’humanité et dont l’issue est entre les mains des responsables mondiaux :
retour de la guerre, montée des Etats totalitaires, les migrations, la question sociale,
la montée en puissance du transhumanisme. La question était de savoir si les
sources spirituelles, philosophiques, intellectuelles, religieuses évoquées en amont
étaient en mesure d’être des ressources spirituelles pour aider l’Union européenne,
et plus largement l’Europe, à relever ces défis.
Il a résulté des échanges que l ‘Union européenne est d’abord régie par le droit et la
règle et que ses représentants sont désignés de façon démocratique. Sont par
conséquent pris en compte en priorité les besoins de la population en matière de
protection, de sécurité, de santé, de liberté, de prospérité. Si des justifications
spirituelles sont apportées, c’est davantage « après coup », comme l’a souligné
François Brunagel, président de DECERE. Patrick Dancourt s’est interrogé sur la
façon dont les media diffusaient, ou non, ou mal, des messages de fraternité. Daniel
Lenoir a souligné la faiblesse des bases spirituelles d’une Union qui s’est d’abord
construite sur l’économie et la promotion du marché unique, délaissant la question
sociale et la nécessaire prise en compte de la dimension spirituelle, pourtant
réclamée dès 1992 par Jacques Delors. Il est apparu aux orateurs que l’intégration
des populations de culture musulmane était une urgence et que l’Union devait
favoriser l’expression des différentes spiritualités, une des questions sous-jacentes
étant de savoir quelles étaient aujourd’hui les raisons de vivre et de mourir que les
Européens pouvaient partager.
Bien d’autres sujets auraient pu être évoqués mais le temps pressait. Toutefois, la fin
des débats a permis de mettre sur la table quelques propositions concrètes parmi
lesquelles : lancer un projet de Grand Tour afin d’accroître le sentiment
« européen » ; faire émerger une « équipe européenne » pour les JO, promouvoir un
jour « sans téléphone », consacrer chaque année un « Mois de l’Europe », organiser
des « rallyes inter-culte ».
Fabienne Keller a enfin évoqué celle qui, par sa vie, ses engagements, ses choix
européens et ses convictions enracinées, est pour elle une Figure majeure et pour
tous un exemple, Simone Veil.

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