Communiqué suite à la crise des Gilets Jaunes – déc 2018 Mettre en place des processus de paix et de solidarité

Edito publié le 6 décembre 2018

Les manifestations des Gilets Jaunes alimentent les déjeuners à la maison. Chacun y va de son
commentaire. Essayons de clarifier quelques points et de proposer une orientation ;

  1. Ces manifestations traduisent une forme de ras le bol. L’étincelle a été l’augmentation des taxes sur le diesel. Mais le malaise est bien plus profond. Les corps intermédiaires, affaiblis et éloignés par le pouvoir, sont du coup rejetés par les manifestants, qui expriment des
    revendications très diverses.
  2. Au centre de ce mécontentement, la personne même du président de la République. Ses petites phrases, maladroites, ne sont pas passées. De surcroît, les premières mesures prises, suppression partielle de l’ISF et abaissement de 5€ des APL ont marqué de façon indélébile
    son quinquennat. Elles ne correspondaient pas à l’attente des gens qui l’avaient élu.
    Beaucoup réclament sa démission.
  3. Les manifestations sont d’un genre inédit : pas de leader, pas d’organisation, pas de représentants. Un recours intelligent aux réseaux sociaux. Des participants plutôt bonhommes, ceux que l’on croise sur les ronds-points. Des regroupements plutôt « bon enfant », avec des moments évidents de fraternité. Ces caractéristiques ne permettent pas d’éviter l’infiltration par des « casseurs professionnels ». Avec, toujours, les éternelles rumeurs de manipulation de tous genres.
  4. Les Gilets Jaunes ne sont pas les plus pauvres de France, lesquels représentent environ 10 millions de français qui survivent avec des aides publiques. Ce sont plutôt des personnes qui se situent au-dessus des seuils de pauvreté (60% du salaire médian, soit environ 1026€) et
    en-dessous du salaire médian (rappel, le SMIC net mensuel est à 1153€). Cette tranche de la population, précarisée, subit de plein fouet les hausses de prix. Elle comprend beaucoup de travailleurs indépendants, d’agriculteurs, de retraités.
  5. Partis, syndicats et journalistes ont été pris de court. LFI, qui se veut représenter la France en colère, a été pris de court, même si Jean-Luc Mélenchon réclame aujourd’hui la dissolution, comme Marine Le Pen tandis que Laurent Wauquiez demande un référendum.
  6. Le Président est dos au mur. La semaine dernière, il a dit qu’il avait entendu la colère et qu’il voulait la transformer en solution. Il a maintenu le cap en l’assouplissant. Il a enfin ouvert la perspective de « négociations territoriales » regroupant toutes les parties prenantes. Ses déclarations n’ont pas apaisé le climat quasi insurrectionnel qui s’est développé samedi 1er décembre.
  7. Chacun est conscient qu’il faut concilier « la fin du monde et la fin du mois » et qu’il faut réguler un capitalisme devenu fou. Reste à trouver le « comment » et à répondre dans l’urgence, afin d’apaiser le climat social, en ouvrant un vrai dialogue avec les vrais désespérés, sans donner raison aux casseurs ?
    Dans ce contexte, les Poissons Roses :
     Ne peuvent qu’être attentifs à ce mouvement de protestation qui traduit la colère et la détresse de beaucoup de nos concitoyens et qui manifeste leur méfiance vis-à-vis des partis classiques et des syndicats, prolongeant ainsi le mouvement de « dégagement » qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir,
     Soulignent les limites de notre démocratie représentative et la nécessité de réfléchir à une démocratie numérique (nous renvoyons à ce propos au phare N°3 de notre Manifeste A CONTRE COURANT, Le seuil, 2016 relatif à « La revitalisation démocratique par le lien retrouvé entre élus et citoyens »),
     Insistent sur la nécessité de faire avancer d’un même pas Ecologie et Justice sociale et le fait que « tout est lié ». Pour nous, comme nous l’indiquions dans notre manifeste, la justice a trois dimensions, éthique, sociale et écologique ( p 37),
     Ne sous-estiment pas les limites de ce mouvement, voire ses dangers : mouvement horizontal, sans leader, sans revendication claire, posté dans le refus de négocier, incapable de se sécuriser et entraîné de ce fait dans une violence inacceptable,
     Respectent les choix démocratiques qui ont porté Emmanuel Macron au pouvoir et lui ont apporté une majorité au Parlement. Nous refusons l’idée d’une démission du président.
    En conséquence, soucieux de préserver une démarche personnaliste faisant appel au lien plutôt qu’à l’affrontement, les Poissons Roses demandent :
  8. que la non-violence et la solidarité soient placées au cœur du règlement de cette crise.
  9. au Gouvernement d’écouter vraiment les Gilets Jaunes et de mettre en place ces espaces de dialogue afin de co-construire une démarche écologique soucieuse de la situation des plus précaires.
  10. aux Gilets Jaunes d’entrer dans une démarche non violente afin de ne pas fracturer la société et dans un processus démocratique de négociation sans lequel la paix ne pourra pas être assurée. La preuve devrait en être l’arrêt de toute action débouchant sur des violences envers les biens ou les personnes.
  11. à ce que la Solidarité entre les classes les plus riches et les classes modestes soit au centre des négociations. Il ne sert à rien d’opposer peuple et élites, habitants des campagnes et habitants des villes.
  12. Nous devons être collectivement capables de mettre en place des processus de solidarité, dans la paix et le dialogue, afin de réguler enfin le capitalisme libéral.
    Les Poissons Roses sont prêts à participer, localement et sur le plan national, à ce dialogue.
    Contact : patrice.obert@poissonsroses.org
    michel.simonnet@poissonsroses.eu

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